Hamid Kechad est parti par un triste jeudi matin, emporté par un accident cardio-vasculaire foudroyant. L’animateur radio, qui était aussi un journaliste très actif, a été enterré en fin d’après-midi, le jour même de son décès à Koléa (40 km à l’ouest d’Alger) en présence d’une foule nombreuse venue de la capitale, de Boufarik et de Blida.
Kechad qui aurait eu 53 ans le 2 février 2008, est certainement décédé des suites d’une longue lutte contre un diabète qui a fini par provoquer de méchantes complications cardiaques. Il a été victime en décembre 2003 d’un infarctus qui l’avait contraint à une douloureuse hospitalisation à l’hôpital Mustapha Bacha. N’ayant pu bénéficier d’une prise en charge pour des soins à l’étranger malgré ses multiples démarches, y compris auprès du ministère de la Santé, Hamid s’est finalement tourné vers sa famille qui l’a aidé comme elle a pu, il s’est lourdement endetté pour arriver à réunir le financement de son opération en France, la pose de dilatateurs «des strents» dans ses veines et ses artères afin de faciliter la circulation du sang. Beaucoup de temps a passé depuis la première attaque, car la dernière opération a eu lieu durant le printemps 2006. Un peu tard pourrait-on dire ! Les médecins français n’ont pu ainsi prolonger sa vie que d’un peu plus d’une année. Vendredi 27 décembre, nouvelle attaque à 3h du matin. Hamid ne se réveille pas et part pour un long voyage sans retour, une semaine après. Malgré les contraintes imposées par son diabète, Hamid Kechad est resté un véritable professionnel de l’animation radio et un journaliste aussi volontaire, mobile et tenace. Il a animé pour le compte de la Chaîne III l’émission «Réverbères» avec entre autres, les célèbres Aziz Smati et Mohamed Allalou. Homme de principes et de positions, Hamid s’était fait éjecter de cette chaîne au début des années 1980, parce qu’il s’était engagé comme animateur d’une pétition de soutien aux Palestiniens suite aux massacres de Sabra et Chatila. A l’époque du fameux article 120-121 qui régissait l’activité du Parti unique, les autorités ne toléraient pas les actions, même celles de simple solidarité, qui n’était pas initiées par le FLN et ses organisations satellites. C’est avec «Guel ou Guel», toujours à la Chaîne III, ensuite pour le compte de la chaîne I, qu’il co-animera dans les années 1990, avec Saléha Larab, qu’il va se faire connaître du grand public. L’émission avait un esprit imagé par des propos tirés d’un poème de Bachir Hadj Ali «Bech doum essaâ ou ma ymoutch laksid» qui veut dire «Que la joie demeure et que le chant ne meurt pas.» L’émission, enrichie par de solides reportages où Hamid et Saléha enregistraient les musiques du terroir et les propos des anonymes qui les pratiquaient, prit une place de choix chez les mélomanes auditeurs de la Chaîne III et un peu plus tard de ceux de la Chaîne I. Les deux complices n’hésitaient pas à parcourir l’Algérie profonde, parfois ils parcouraient les immenses contrées désertiques pour ramener de nouvelles découvertes et révéler des talents jusque-là inconnus. C’est certainement de ces expéditions que Hamid s’habitua au chech targui et aux grosses godasses tellement pratiques, l’un contre les rayons du soleil, les autres pour les parcours difficiles. L’homme au chech targui est un rebelle. Il écrivit un article critique sur la gestion de la Chaîne III, il s’en fera éjecter une deuxième fois, avec en prime un procès pour diffamation intenté à l’époque par les gestionnaires de ce média. Il reviendra encore et toujours à la radio Chaîne III, où successivement il animera avec Safia Ouared, les émissions «N’dir kima ydir fa el bahr el aaouam», «Je ferai comme fait en mer le nageur», «Errances» et enfin «Salsa de martes». Journaliste, Hamid Kechad a collaboré, parfois en free lance, avec nombre de journaux (L’Unité, Algérie actualités, El Watan, El Youm) et particulièrement avec Alger républicain, pour informer et vulgariser son thème le plus cher : la musique. Mais il s’est également intéressé aux sujets politiques et surtout sociaux qui touchaient les petites gens. Kechad est l’auteur avec Saléha Larab d’un livre Bouteflika-Madani Concorde civile, la paix des cimetières, publié par les éditions du quotidien Le Matin. Il s’est ensuite attelé à un autre ouvrage basé sur ce qu’il avait lui-même vu dans l’enfer terroriste de la Mitidja et des témoignages de la population victime de l’hystérie sanguinaire islamiste. Il avait également entamé la réalisation d’un documentaire sur le plus célèbre des Cherchellois, Mustapha Saâdoun et ses compagnons Les combattants de la liberté, qui étaient le bras armé du Parti communiste algérien (PCA), avant qu’ils ne rejoignent les rangs de l’ALN dans la lutte de Libération du pays. La mort de Hamid Kechad est certainement due aux complications du diabète, il n’est cependant pas à exclure que la situation politique et sociale soit également, même si l’effet est indirect, pour quelque chose. Homme courageux, juste, généreux et désintéressé, il était aussi d’une sensibilité d’écorché vif : il n’a jamais oublié le calvaire qu’ont vécu des milliers de personnes aussi pauvres qu’anonymes pendant plus de dix ans, dans les campagnes auxquelles il rendait souvent visite malgré le danger permanent. Il ne put ainsi jamais accepter les termes de la concorde civile et de la réconciliation nationale tels que conçus et appliqués par le président Bouteflika et ses hommes. Il a de ce fait vécu la régression dans laquelle s’enfonce le pays comme un drame et cela se conjuguait aux complications de sa maladie. Avec le décès de Kechad, la presse algérienne perd non seulement un journaliste de terrain mais aussi un animateur d’une grande valeur et en plus, un homme qui, lorsque la situation l’exigeait, osait se mettre debout pour exprimer la position de principe qui s’impose.
Source: El Watan - 05 janvier 2008